Classification ARC · Cancer Rose
Classification mammographique ACR
Par Cécile Bour, MD, Radiologue
11 novembre 2018
Témoignage du radiologue….
J’ai été alertée par des confrères généralistes qui remettaient en cause à juste titre la classification ACR dans les conclusions de nos rapports de mammographie, et qui avaient tendance à faire un parallèle entre cette échelle et la gravité ou le mauvais pronostic qu’aurait leur patiente…
La question est tout à fait pertinente, car nous, radiologues, classons volontiers notre description dans une sorte de verdict codé, sans vraiment expliquer le pourquoi et le comment des choses et sans se rendre compte que pour le correspondant il n’est pas intuitif de savoir à quoi correspondent ces ACR. Surtout, le risque est grand de superposer ce classification de l’imagerie seule avec la classification des stades de gravité du cancer.
Cependant, les deux n’ont rien à voir l’un avec l’autre.
Le classement ACR
La classification ACR (American College of Radiology) a été élaborée en 1990, en raison de la nécessité de systématiser les rapports afin d’harmoniser les pratiques. On retrouve 5 étapes qui correspondent à la plus ou moins grande certitude d’avoir à faire face à un cancer devant une image mammographique.
RAC 1 : normal, le sein n’a « rien à signaler ».
RAC 2 : nous avons des images qui ne sont que des anomalies bénignes, cela inclut les petits ganglions axillaires, les microkystes, les images indéterminées mais strictement inchangées depuis des lustres, les fibro-adénomes ou les kystes déjà bien connus et identifiés comme bénins (par échographie, IRM ou biopsie antérieure), microcalcifications vasculaires, kystiques ou galactophores, îlots glandulaires amorphes etc…
RAC 3 : cette étape désigne une image peu inquiétante mais dont l’avenir est à vérifier, qui n’était pas connu auparavant, ou connu mais qui a légèrement changé par rapport aux examens précédents. La procédure standard proposée pour cette classification est une surveillance unique à 6 mois, puis à un an, pour s’assurer qu’elle n’augmente pas de taille ou que les critères d’analyse ne deviennent pas plus caractéristiques en faveur des lésions malignes.
RAC 4 la classification signifie qu’il existe une forte probabilité de cancer et qu’il s’agit d’une anomalie très suspecte à prélever dans tous les cas. L’ACR4 implique donc automatiquement une biopsie, sous échographie (micro-biopsie) ou sous contrôle radiographique, par un procédé de mammotome (macro-biopsie), ou directement par biopsie-exérèse. Au final, on a peut-être fait une mauvaise interprétation, ou il peut s’agir d’un cancer peu évolutif, voire d’un cancer très agressif ; le type d’image qui nous a amené à le classer en ACR4 ne dit rien sur l’agressivité ou non du cancer, si ce que nous avons biopsié en est bien un !
RAC 5 : l’anomalie est très fortement suspectée de malignité et les critères sémiologiques sont assez évocateurs et typiques de malignité. Nous pouvons dire que nous sommes très, très sûrs de la malignité.
RAC 0 est l’examen incomplet qu’il faudra ajouter aux autres examens d’imagerie.
Cette description de l’image mammographique détermine la décision
Malheureusement, d’une part, c’est très subjectif. Tous les lecteurs « experts » ne sont pas toujours d’accord sur le fait de classer ACR 3 ou ACR 4. Le passage de la mammographie analogique à la mammographie numérique (un processus récent qui, intentionnellement, je raccourcis et simplifie, vous fait voir des choses meilleures et plus petites que le processus de mammographie précédent) complique la comparaison d’un examen ancien fait en analogique à une « meilleure » imagerie numérique. Cela donnera l’impression d’une image aux contours peut-être plus irréguliers qu’avant, ou qui serait plus dense, ou légèrement augmentée de volume, alors que c’est simplement le changement de technique qui induit ce doute, les images de deux examens différents ne se recouvrant pas strictement.
D’autre part, les problèmes médico-légaux sont devenus plus fréquents au fil du temps, ainsi que l’augmentation du niveau global d’anxiété tant pour les patients que pour la profession médicale. La classification ACR3 est de plus en plus abandonnée au profit de l’ACR4 qui devient un abominable gouffre sans fond dans lequel le radiologue jette à peu près n’importe quelle image qui ne le laisse pas dormir.
Comme nous l’avons déjà vu sur ce site[1] ni la spécificité ni la valeur prédictive positive de la mammographie ne sont bonnes.
La spécificité est la probabilité que la mammographie de dépistage soit négative pour un sujet (en l’occurrence la femme dépistée) qui n’est pas malade. Cependant, la spécificité de la mammographie de dépistage n’est pas suffisante, car le test peut être positif dans certains cas lorsque la femme n’est pas malade.
Malheureusement, la double lecture, pratiquée pour le dépistage organisé en France, présentée comme une amélioration du test de dépistage, diminue encore la spécificité déjà médiocre de la mammographie, et au moindre doute la deuxième lectrice surclassera la mammographie de peur de « manquer » un cancer. En d’autres termes, la spécificité déjà faible de la mammographie de dépistage est encore affaiblie par la double lecture.
La valeur prédictive positive est la probabilité que le sujet (la femme dépistée) soit malade pour un test positif. La VPP de la mammographie de dépistage est très faible, entre 9 et 10 %.
Cela signifie que pour une femme dont la mammographie est jugée positive et pour laquelle une biopsie de l’image incriminée est réalisée, il y a 90% de chances (100%-10% de VPP) que la biopsie revienne négative et donc ait été excessivement proposé. Comme le souligne la revue Prescrire, les biopsies mammaires ont littéralement explosé depuis le dépistage. [2]
Conclusion
En pratique, il est important de rappeler que la classification radiologique n’a rien à voir avec la classification des stades cancéreux, et qu’une classification ACR4 ne repose pas toujours sur une sémiologie radiologique très douteuse, mais en grande partie parce qu’on veut identifier le cancer en prélevant très rapidement, parce qu’une nouvelle image qui n’était pas visible auparavant est apparue, parce qu’une image a pu changer ou grossir un peu, parce qu’on ne veut pas se donner le temps de simplement surveiller, tout diagnostic devenant abusivement urgent et intolérable dans l’esprit des professionnels comme du public. Contrairement à ce qui est enseigné au public, il n’y a aucune urgence ni perte de chance à attendre quelques semaines, quelques mois… Mais cette attitude raisonnable et attentiste n’est plus possible de nos jours, surtout après des apparitions publiques alarmantes. de responsables des autorités sanitaires ou de leaders d’opinion alertant par la presse ou des programmes populaires de santé que « nous n’avons pas de temps à perdre ».
Le niveau d’anxiété de la population, déjà très élevé du fait de la multiplication de ces gestes invasifs, incompris car mal justifiés, va encore le devenir encore plus haut.
Ce qui nous interroge, c’est que dans le nouvel essai européen MyPEBS, initié pour étudier la pertinence d’un dépistage stratifié en fonction du risque, le fait d’avoir subi une biopsie, même bénigne, représente un facteur de risque pour les femmes qui justifie de les classer comme « être plus à risque que la normale »…
Voir page 19/20 du synopsis : https://cancer-rose.fr/my-pebs/wp-content/uploads/2019/12/MyPEBS-Protocol-.V1.2-du-27.07.18-.pdf
Et bien, être une femme, c’est déjà un gros risque…
Bibliographie
[1] https://www.cancer-rose.fr/cancer-du-sein-un-peu-de-technique/
[2] Revue Prescrire, Février 2015/Tome 35 N°376
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