Échelle Analgésique OMS – StatPearls
Définition/Introduction
L’échelle analgésique de l’OMS était une stratégie proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 1986, pour fournir un soulagement adéquat de la douleur aux patients atteints de cancer.[1] L’échelle analgésique faisait partie d’un vaste programme de santé appelé Programme OMS de la douleur cancéreuse et des soins palliatifs visant à améliorer les stratégies de gestion de la douleur cancéreuse par le biais de campagnes éducatives, la création de stratégies partagées et le développement d’un réseau mondial de soutien. Cette voie antalgique, développée suite aux recommandations d’un groupe international d’experts, a subi plusieurs modifications au fil des ans et est actuellement appliquée pour la prise en charge de la douleur cancéreuse mais aussi des affections douloureuses aiguës et chroniques non cancéreuses dues à un spectre plus large de maladies telles que les maladies dégénératives. troubles musculo-squelettiques, troubles de la douleur neuropathique et autres types de douleur chronique. L’efficacité de la stratégie est discutable et reste à prouver par des études à grande échelle.[2] Néanmoins, il fournit toujours une approche simple et palliative pour réduire la morbidité due à la douleur chez 70% à 80% des patients.[3]
L’échelle d’origine se composait principalement de trois marches[4]:
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Premier pas. Douleur légère : analgésiques non opioïdes tels que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou l’acétaminophène avec ou sans adjuvants
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Deuxième étape. Douleur modérée : opioïdes faibles (hydrocodone, codéine, tramadol) avec ou sans analgésiques non opioïdes, et avec ou sans adjuvants
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Troisième étape. Douleurs intenses et persistantes : opioïdes puissants (morphine, méthadone, fentanyl, oxycodone, buprénorphine, tapentadol, hydromorphone, oxymorphone) avec ou sans analgésiques non opioïdes, et avec ou sans adjuvants
Le terme adjuvant fait référence à un vaste ensemble de médicaments appartenant à différentes classes. Bien que leur administration soit généralement destinée à des indications autres que le traitement de la douleur, ces médicaments peuvent être particulièrement utiles dans diverses affections douloureuses. Les adjuvants, également appelés co-analgésiques, comprennent les antidépresseurs, y compris les antidépresseurs tricycliques (ATC) tels que l’amitriptyline et la nortriptyline, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) tels que la duloxétine et la venlafaxine, les anticonvulsivants comme la gabapentine et la prégabaline, les anesthésiques topiques (p. ex. patch de lidocaïne) , les thérapies topiques (p. ex., la capsaïcine), les corticostéroïdes, les bisphosphonates et les cannabinoïdes.[5][6][7] Fait intéressant, bien que les adjuvants soient co-administrés avec des analgésiques, ils sont indiqués comme option de traitement de première intention pour le traitement de conditions douloureuses spécifiques. Par exemple, la Fédération européenne des sociétés neurologiques (ENS) a recommandé l’utilisation de la duloxétine, ou d’anticonvulsivants, ou d’un ATC pour le traitement de la neuropathie douloureuse diabétique.[8]
Le concept clé de l’échelle est qu’il est essentiel d’avoir une connaissance adéquate de la douleur, d’évaluer son degré chez un patient grâce à une évaluation appropriée et de prescrire les médicaments appropriés. Comme de nombreux patients recevront éventuellement des opioïdes, il est essentiel d’équilibrer la posologie optimale avec les effets secondaires du médicament. De plus, la rotation des opioïdes peut être adoptée pour améliorer l’analgésie et réduire les effets secondaires.[4] Les patients doivent recevoir une éducation sur les utilisations et les effets secondaires des médicaments pour éviter une mauvaise utilisation ou un abus sans compromettre leurs aspects bénéfiques.
L’échelle originale de l’OMS était unidirectionnelle, partant de l’échelon le plus bas des AINS, y compris les inhibiteurs de la COX ou l’acétaminophène, et remontant vers les opioïdes forts, en fonction de la douleur du patient. Les chercheurs dans le domaine ont suggéré d’éliminer le deuxième niveau car les opioïdes faibles contribuent très peu au contrôle de la douleur. [9] En cas de douleur modérée, il peut être plus utile de prescrire des opioïdes de troisième étape bien qu’administrés à des doses réduites (par exemple, morphine 30 mg par jour, par voie orale). Selon certains auteurs, il faudrait par ailleurs distinguer les voies de traitement de la douleur aiguë, des traitements plus spécifiques à utiliser dans les douleurs cancéreuses de longue durée.[4] Cependant, la véritable limite de l’échelle d’origine était l’impossibilité d’intégrer les traitements non médicamenteux dans le parcours thérapeutique. En conséquence, une quatrième étape a été ajoutée à l’échelle (Figure 1). Il comprend de nombreuses procédures non pharmacologiques qui constituent des recommandations solides pour le traitement de la douleur persistante, même en combinaison avec l’utilisation d’opioïdes puissants ou d’autres médicaments. Ce groupe englobe les procédures interventionnelles et mini-invasives telles que l’analgésie péridurale, l’administration intrathécale d’analgésiques et d’anesthésiques locaux avec ou sans pompes, les procédures neurochirurgicales (p. ex., adhésiolyse percutanée lombaire, cordotomie), les stratégies de neuromodulation (p. ex., stimulateurs cérébraux, stimulation de la moelle épinière) , blocs nerveux, procédures ablatives (p. ex., alcoolisation, radiofréquence, micro-ondes, cryoablation, thermothérapie induite par laser, électroporation irréversible, électrochimiothérapie), cimentoplastie ainsi que radiothérapie palliative.[10][11][12][13]
Cette mise à jour de l’OMS se concentrait sur la qualité de vie et se voulait une approche bidirectionnelle, élargissant la stratégie pour traiter également la douleur aiguë. Pour la douleur aiguë, l’analgésique le plus puissant (pour cette intensité de douleur) est le traitement initial et plus tard atténué, tandis que, pour la douleur chronique, on utilise une approche par étapes de bas en haut. Cependant, les cliniciens doivent également fournir une désescalade en cas de résolution de la douleur chronique.
Sujets de préoccupation
La conception de l’échelle analgésique était telle qu’elle pouvait être facilement utilisée même par des experts en médecine non douloureuse. Cependant, l’orientation continue des patients vers des spécialistes de la douleur prouve le contraire.[14] Le manque de connaissances adéquates sur les médicaments, le sous-dosage et le mauvais timing des médicaments, la peur de la dépendance chez les patients et le manque de sensibilisation du public sont de graves limitations qui limitent la bonne mise en œuvre de la stratégie.[15]
Une autre limitation concerne le placement des médicaments. Placer les AINS au bas de l’échelle pourrait conduire à croire à tort qu’il s’agit du traitement le plus sûr. Dans la pratique clinique quotidienne, il arrive souvent que des patients prennent ces médicaments même pendant de longues périodes. De plus, l’utilisation à long terme d’AINS associés à des opioïdes pour le traitement de la douleur modérée (deuxième étape) peut entraîner des effets secondaires beaucoup plus graves que ceux décrits pour les opioïdes.[16]
Un sujet de préoccupation important concerne la prise en charge de la douleur neuropathique pure. Ce type de douleur a une physiopathologie et des mécanismes complexes qui impliquent différentes régions du système nerveux central ou des structures spécifiques du système nerveux périphérique. Une blessure dans ces régions peut déclencher une cascade d’événements aboutissant à des phénomènes de sensibilisation périphérique et centrale. Dans ce contexte, les opioïdes ont peu ou pas d’efficacité et d’autres stratégies sont nécessaires.[17] D’autres conditions cliniques sont mal gérables selon les règles de l’échelle. Par exemple, dans la fibromyalgie, les médicaments des deux premières étapes sont souvent d’une efficacité médiocre, alors que l’utilisation d’opioïdes peut induire des phénomènes addictifs dangereux en plus d’être un traitement dont l’efficacité est peu prouvée scientifiquement.
Les experts en médecine de la douleur ont trouvé cette approche unidimensionnelle car elle se concentrait uniquement sur l’aspect physique de la douleur. Pour cette raison, d’autres méthodes ont été proposées. Par exemple, l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) a suggéré d’adopter une approche thérapeutique davantage centrée sur le type de douleur (c’est-à-dire son mécanisme) et sur le mécanisme d’action des médicaments utilisés pour la traiter. Ainsi, dans le cas de douleurs nociceptives chroniques à caractère inflammatoire, il serait plus indiqué d’utiliser des stéroïdes ou des AINS. En revanche, les douleurs nociceptives peu inflammatoires doivent être traitées par des opioïdes et des antalgiques non opioïdes. Enfin, les douleurs neuropathiques peuvent nécessiter des antidépresseurs ou des anticonvulsivants, et des médicaments spécifiques dans certaines conditions cliniques rhumatologiques (par exemple, la colchicine pour traiter la goutte).[18]
Des suggestions sont proposées pour proposer une méthodologie plus précise. Leung, par exemple, a suggéré un nouveau modèle analgésique représenté comme une plate-forme où la gestion de la douleur suit une perspective tridimensionnelle qui peut se combiner avec les analgésiques classiques, en fonction de l’état de la douleur.[19] Plus récemment, Cuomo et al. ont proposé la soi-disant «approche multimodale du chariot», qui accorde de l’importance aux causes physiques, psychologiques et émotionnelles de la douleur.[20] Le modèle sous-tend le besoin d’une thérapie personnalisée et suggère que la douleur n’est pas simplement un inconfort sensoriel ressenti par le patient, mais intègre également la réponse perceptive, homéostatique et comportementale du patient à une blessure ou à une maladie chronique.[21] Grâce à cette approche, les cliniciens peuvent gérer dynamiquement la douleur en combinant plusieurs stratégies pharmacologiques et non pharmacologiques en fonction de la physiopathologie de la douleur, des caractéristiques de la douleur et de la complexité des symptômes, de la présence de comorbidité, des facteurs physiopathologiques et du contexte social. Par conséquent, un large éventail d’approches non pharmacologiques telles que le yoga, l’acupuncture, la psychothérapie et l’ergothérapie sont présentes dans des « tiroirs » spécifiques du chariot et peuvent être utilisées en fonction des besoins cliniques et des compétences de l’opérateur, ainsi que ressources disponibles.
Signification clinique
Même avec les inconvénients, la stratégie comprend une ligne directrice simple et efficace sur l’administration des analgésiques qui est encore valable aujourd’hui. Les principaux composants comprennent :
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Dosage oral des médicaments chaque fois que possible (par opposition à intraveineux, rectal, etc.)
- Administration 24 heures sur 24 plutôt qu’à la demande.[15] La prescription doit respecter les caractéristiques pharmacocinétiques des médicaments.
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Les antalgiques doivent être prescrits en fonction de l’intensité de la douleur évaluée par une échelle d’intensité de la douleur. Pour cela, un examen clinique doit s’accompagner d’une évaluation adéquate de la douleur.
- La thérapie individualisée (y compris la posologie) répond aux préoccupations du patient.[9] Cette méthode suppose qu’il n’existe pas de posologie standardisée dans le traitement de la douleur. Il s’agit probablement du plus grand défi de la médecine de la douleur, car la dosologie doit être adaptée en permanence au patient, en équilibrant les effets analgésiques souhaités et la survenue éventuelle d’effets secondaires.
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Une bonne adhésion aux analgésiques, car toute modification de la posologie peut entraîner une récurrence de la douleur.
La douleur représente l’un des cinq principaux motifs de consultation.[19] Une meilleure compréhension de la physiologie et des aspects psychologiques est nécessaire pour adopter une approche idéale vers le contrôle de la douleur. L’échelle analgésique de l’OMS peut rester un traitement fondamental de la douleur chronique, auquel les cliniciens peuvent ajouter de nouvelles modalités.
Interventions en soins infirmiers, paramédicaux et interprofessionnelles
Les patients doivent être traités avec le plus grand respect et empathie pour les rendre aussi confortables que possible.
L’administration d’opioïdes ne devrait avoir lieu que lorsque leurs avantages l’emportent sur leurs risques, car ils comportent un risque considérable de dépendance. Les infirmières doivent s’assurer qu’elles comprennent les instructions des médecins concernant le médicament, sa posologie et ses effets secondaires afin de fournir la quantité optimale de médicament. Tout doute concernant le médicament doit être clarifié par le médecin prescripteur. Les pharmaciens doivent garder une trace précise de toutes les ordonnances et signaler tout soupçon d’abus de médicaments.
Surveillance des équipes infirmières, paramédicales et interprofessionnelles
La gestion de la douleur dans les maladies chroniques peut être chronophage et fastidieuse pour le patient. Il est essentiel d’avoir des visites de suivi régulières pour évaluer la progression de la maladie et l’efficacité du traitement et apporter les modifications nécessaires. Les patients doivent être encouragés à rester motivés et évalués pour toute amélioration ou progrès.
Les patients hospitalisés sous opioïdes doivent être surveillés régulièrement pour leurs signes vitaux, en particulier la fréquence respiratoire, afin de vérifier tout effet indésirable. Les patients alités doivent recevoir des soins appropriés pour maintenir leur hygiène et éviter les complications telles que les escarres et la thrombose veineuse profonde.
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