Pourquoi faut-il repenser le terme de pervers narcissique | par Isabelle REDERSTORFF
Soyons honnêtes, nous l’avons tous déjà utilisé, n’est-ce pas ?
Nous avons tous entendu le terme pervers narcissique.
Nous le craignons et nous nous méfions encore de cette personne, car il est connu pour être sournois et dangereux. Il existe de nombreuses vidéos sur Youtube qui expliquent comment traiter, répondre ou agir devant ou avec un pervers narcissique. J’utilise ici le genre masculin, car il est rapporté dans la littérature psychanalytique que ce trait serait joué plus souvent par les hommes, mais il peut évidemment se prêter aussi bien aux hommes qu’aux femmes.
Dans ma pratique de psychothérapeute, j’entends souvent des personnes, majoritairement des femmes (mais aussi des hommes), me parler de la difficulté qu’elles ont endurées dans une ou plusieurs relations. Ils utilisent alors parfois le terme de pervers narcissique pour parler de ce ou ces compagnons qu’ils décrivent. Essayons de comprendre.
Une recherche basique sur le net décrit un personnage qui a une image dégradante de lui-même et qui, en résumé, va chercher à redorer son image, en rabaissant une autre personne : il se nourrit en quelque sorte, de sa position croissante de dominant.
Mais qui voudrait entrer dans une relation où l’un des protagonistes prend le relais ? Certainement pas moi, vous dites-vous. Sauf que ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Les jeux et les pressions inconscientes à l’œuvre dans chaque dynamique relationnelle sont très puissants et leurs buts souvent imperceptiblement flous. C’est pourquoi, lorsqu’une personne se retrouve, disons amoureuse, avec un partenaire qui l’attire magnétiquement, ce sont souvent nos chères forces inconscientes qui poussent derrière.
On se souvient du principe de base : la vie nous pousse à grandir et à évoluer, toujours et encore… oui !
Alors après quelques semaines de bonheur, votre partenaire commence à changer, à avoir des comportements plus durs et plus critiques. Vous réagirez peut-être avec confiance : « il me dit ça pour mon bien, après tout on s’aime etc. ». Les témoignages parlent souvent d’une impasse subtile et difficilement décelable car installée par petites touches. La personne raconte alors sa plongée dans les enfers d’une relation précaire et perverse, où l’autre ne cesse de rabaisser, de comparer et de déstabiliser. L’une des difficultés majeures que je perçois dans ces relations est l’incapacité de la personne « piégée » à s’en sortir. C’est là que le terme de relation avec un pervers narcissique est beaucoup trop imprécis pour moi : il décrit ce que l’on perçoit à partir de cette position dominante toxique mais il ne décrit pas la totalité des mécanismes en jeu, ni celui du piège. En fait, dans chaque communication, il y a au moins deux unités (même quand je m’introspecte, je me place en observateur et observé).
La première étape consiste à prendre du recul émotionnellement, parfois à s’éloigner physiquement. Les témoignages que j’ai recueillis indiquent que ces personnes piégées tentent souvent de rétablir la situation relationnelle et s’accusent de ce qu’elles perçoivent comme un échec. Il semble cependant que le temps n’arrange pas la situation et, au contraire, renforce les liens pathologiques. Face à ce genre de problème, la raison, le rationnel, n’a souvent que peu de place et cela peut être, paradoxalement pour la personne piégée, un véritable déchirement, que la personne va éviter et repousser. Cela renforce l’effet piège.
Les traits pervers, qui peuvent se manifester par des comportements extrêmement cruels et dévastateurs, ne peuvent être tolérés : si vous vous sentez menacé pour votre intégrité ou celle de vos enfants, il convient de tous vous mettre à l’écart (les enfants, comme toujours, sont les co- victimes latérales de ces relations toxiques : il faut leur montrer par de véritables actions de protection, que ce n’est pas tolérable).
Pour la personne qui est tombée dans ce piège relationnel et qui veut s’en sortir, ou qui l’a déjà fait, c’est parfois un raccourci tentant de se focaliser sur l’autre, celui dont les schémas sont les plus visibles : après tout, c’est le pervers narcissique, il a tous les traits destructeurs. J’invite ceux qui ont réussi à sortir la tête de l’eau et à trouver un rivage sûr à prendre le temps de se poser les bonnes questions :
la menace est à distance mais qu’est-ce qui fait que je suis allé dans ces chemins sinueux, qu’est-ce que j’ai à soigner en moi, comment me libérer et comment apprendre à me protéger efficacement ?
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